jeudi 26 mai 2011

Espagne : « On veut un changement qui vient du peuple, car d’en haut, il ne viendra pas »





En direct du printemps espagnol, la présidente de Comac, le mouvement de jeunes du PTB (Parti du Travail de Belgique >> http://www.ptb.be/), Aurélie Decoene, nous raconte son séjour au milieu des places madrilènes occupées.

Hier soir, juste avant une assemblée, je discute avec Eva, 37 ans, qui est traductrice. C’est la toute première fois qu’elle se mobilise : « Ce qui se passe ici, ça montre que les gens n’en peuvent plus. Je viens chaque soir depuis le début et beaucoup de mes amis aussi, ils viennent dès qu’ils peuvent. Je participe surtout aux discussions sur la préparation des assemblées de quartiers, car le plus important pour moi est que ce mouvement s’élargisse. Avant on se plaignait car chacun restait chez soi, maintenant on essaie de s’organiser pour réclamer ensemble. On veut un changement qui vient du peuple, car on sait maintenant que d’en haut, il ne viendra pas. » Après la conversation, elle me rattrape : « Une chose que je trouve vraiment importante, c’est qu’il n’y a pas que des jeunes ici, il y a de plus en plus de gens plus âgés aussi. »

De fait, tous les âges étaient représentés hier soir aux alentours de la Plaza del Sol : des ados et des pensionnés, des jeunes chômeurs et des jeunes travailleurs, mais aussi des quarantenaires et des quinquas. Les premiers jours de l’occupation, les assemblées avaient lieu toute la journée, à n’importe quelle heure. Après une semaine, les horaires se sont adaptés pour que puissent participer aussi ceux qui travaillent ou étudient. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils s’engagent dans un mouvement social. Et même pour ceux qui se mobilisent régulièrement, c’est souvent la première fois qu’ils participent à quelque chose d’aussi vaste.

espagne mai 2011 - Aurélie Decoene - ptb

Le jour, on croise les plus actifs, ceux qui organisent l’occupation, soit quelques centaines de jeunes. En une semaine, c’est un véritable village qu’ils sont parvenus à construire avec une bibliothèque, une garderie, deux infirmeries, une cuisine, un point d’information, un point pour inclure de nouveaux bénévoles, des points de distribution d’eau, un atelier bricolage, etc. J’étais loin d’imaginer ça en voyant les photos de la place sur internet ! A côté de ça, d’innombrables équipes de travail, les commissions : pour assurer la communication, pour la déco, pour créer des assemblées de quartiers, pour discuter des revendications du mouvement à court terme et une autre pour discuter du long terme, pour discuter et faire respecter les droits des femmes, une commission « respect » qui assure que l’ordre soit respecté dans le campement et qu’on limite la consommation d’alcool, etc. Tous les midis, un rapport est fait en assemblée générale des discussions de chaque commission.

Le soir, l’affluence est énorme. L’enthousiasme est au rendez-vous, l’envie de participer à construire « autre chose » est palpable. Politiquement, le mouvement est très hétérogène, chacun apporte ses conceptions, parfois élaborées, parfois beaucoup moins. « Quand je pense à toutes ces soirées entre potes que j’ai passées à boire et à fumer pour oublier tous ces problèmes qu’on dénonce ici. Ici, on voit qu’on est plein à vouloir agir, que les jeunes sont prêts à travailler, contrairement à ce qu’on entend parfois, mais on n’est pas prêts à travailler à n’importe quel prix. C’est très enthousiasmant d’être ici, ça me touche beaucoup », raconte Maria, qui est venue de Catalogne pour participer au campement. De fait, c’est un même ras-le-bol qui rassemble, vis-à-vis du chômage, des problèmes de logement, des partis au pouvoir, de cette absence de futur pour les jeunes. Anticapitalisme ? Pour beaucoup, c’est la première fois que la question est posée sous cet angle. Le débat est ouvert, mais ne fait pas – encore – unité. Par contre, chacun apprend et se politise : « Le contenu des discussions a déjà pas mal évolué depuis les premiers jours. Au début, on rejetait surtout la “classe politique”. Aujourd’hui, cela est plus mis en lien avec une critique du système économique », m’explique Isabel, une responsable de l’UJCE (Union des jeunes du parti communiste espagnol).

Ils étaient entre 1 500 et 2 000 à s’être réunis hier soir pour débattre sur différentes places pour les assemblées. C’est la Plaza Carmen qui rassemblait le plus de monde car nombreux étaient ceux qui voulaient participer à la préparation des assemblées de quartiers qui auront lieu samedi. Les assemblées de quartier sont au centre de beaucoup de discussions et suscitent beaucoup d’attentes. Dans le campement, on peut voir la liste (impressionnante) de la centaine de places où les occupants projettent d’organiser une assemblée. Devant mon étonnement, Ismaël me dit : « C’est normal non ? Il y a plein de quartiers à Madrid ! » Isabel, responsable de l’UJCE, m’explique le point de vue de son organisation : « Il faut absolument élargir le mouvement, car on ne pourra pas rester ici indéfiniment, on est trop vulnérables. Et puis c’est important d’inclure dans la dynamique des gens de milieux plus populaires que ceux qui sont rassemblés ici. » Bea, une autre responsable de l’organisation, va dans le même sens : « Ce mouvement offre de grandes perspectives. Cela faisait des années qu’on n’avait plus vécu quelque chose de cette ampleur. Et nous sommes à un moment charnière : soit nous parvenons à élargir, soit cela va s’éteindre. Alors nous faisons tout pour que ce mouvement contribue à faire revivre la dynamique des assemblées de voisins qui existait avant. »

La soirée se termine tard, au milieu de discussions sur les prochains jours et prochaines semaines. Suite au prochain numéro !

espagne mai 2011 - Aurélie Decoene - ptb

espagne mai 2011 - Aurélie Decoene - ptb

espagne mai 2011 - Aurélie Decoene - ptb

espagne mai 2011 - Aurélie Decoene - ptb

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire