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samedi 2 juillet 2011

Diego Rivera



Diego Rivera, né le 8 décembre 1886 à Guanajuato et décédé le 24 novembre 1957 à San Ángel, un quartier aisé de Mexico est un peintre mexicain connu pour ses fresques murales principalement dans les bâtiments officiels du centre historique de Mexico.


Diego Rivera est né en 1886 à Guanajuato. Contre l'avis de son père, qui voulait qu'il aille a l'école militaire, il entre à l'Académie des Beaux Arts de San Carlos. Il se rend en Europe en 1907 d'abord à Barcelone, puis à Paris pour vivre et travailler parmi les artistes de Montparnasse. Il se lie d'amitié avec Modigliani, qui fait son portrait en 1914.

Au cours de sa vie passablement agitée, il a une liaison pendant six ans avec la peintre Marie Vorobieff (Marevna), mais se marie avec Angelina Beloff, dont il a un fils qui meurt en bas âge. Il a par ailleurs plusieurs autres enfants de maîtresses avec lesquelles il entretenait de brèves relations. Il n'assume toutefois jamais ses paternités. Au début des années 1920, il retourne au Mexique où il s'intéresse, par le biais de la politique, à l'extrême-gauche. Là, il réalise sa première peinture murale où figurent des sujets ethniques mexicains dans un contexte politique. La seule femme qui a été une constante dans sa vie, est Frida Kahlo (une militante communiste et peintre jouissant d'une certaine cote) avec laquelle il entretient une relation passionnée et tumultueuse.
Il va à Moscou, mais est expulsé pour activités antisoviétiques. En 1929, il revient à Mexico. Rivera, à l'âge de 43 ans, épousa Frida, de 21 ans sa cadette.



Rivera crée beaucoup, souvent pour attaquer l'Église et le clergé. Avec des artistes comme José Clemente Orozco, David Alfaro Siqueiros et Rufino Tamayo, il commence à s'essayer aux fresques, sur de grands murs, dans un style simplifié et en employant des couleurs vives en phase avec les thèmes de la guerre civile des années 1910. Certaines de ses fresques les plus emblématiques sont au palais national à Mexico et à l'école nationale d'agriculture à Chapingo. Rivera en peint plusieurs aux États-Unis, qu'il visite au début des années 1930 et aussi en 1940, privilégiant surtout les thèmes industriels. Sa plus célèbre fresque se trouve à l'institut des arts de Détroit.

Photos de Detroit Institute of Arts, Détroit
Cette photo de Detroit Institute of Arts

Il rencontre Serguei Eisenstein qu'il aide à connaître le Mexique en vue de la préparation du film Que Viva Mexico !. En 1933, sa fresque Homme au croisement pour le Rockefeller Center de N.Y est détruite, il y figurait un portrait de Lénine. Après ce scandale médiatique, une commission annule une commande prévue pour la foire internationale de Chicago. Pour sa part, Rivera s'en est souvenu puisque sur ses fresques ultérieures, Rockefeller, devenu sa némésis, est représenté.



Ayant rejoint la Ligue communiste internationale, il sympathise avec l'exilé soviétique Léon Trotski, qui habite chez lui un moment, mais ils ont un différend et Trotski doit quitter le domicile de Rivera. Trotski est assassiné peu de temps après.

Frida Kahlo meurt d'une pneumonie en 1954. Rivera contracte une forme rare de cancer, dont il meurt en 1957. Sa dépouille est inhumée au Panteón de Dolores à Mexico...




« On a dit que la révolution n'avait pas besoin de l'art mais que l'art avait besoin de la révolution. Ce n'est pas exact. Oui, la révolution a besoin d'un art révolutionnaire. L'art n'est pas pour le révolutionnaire ce qu'il était pour le romantique. Ce n'est ni un stimulant ni un excitant. Ce n'est pas une liqueur pour s'enivrer. C'est l'aliment qui donne des forces au système nerveux. Il donne des forces pour la lutte. C'est un aliment comme peut l'être le blé. »




>> The Diego Rivera Mural Project

mercredi 29 juin 2011

Mahmoud Darwich (Rita)



Mahmoud Darwich (en arabe : محمود درويش), né le 13 mars 1941 à Al-Birwah en Galilée (Palestine sous mandat britannique) et mort le 9 août 2008 à Houston (Texas, États-Unis), est une des figures de proue de la poésie palestinienne.

Profondément engagé dans la lutte de son peuple, il n'a pour autant jamais cessé d'espérer la paix et sa renommée dépasse largement les frontières de son pays. Il est le président de l'Union des écrivains palestiniens. Il a publié plus de vingt volumes de poésie, sept livres en prose et a été rédacteur de plusieurs publications, comme Al-jadid - (الجديد - Le nouveau), Al-fajr (الفجر - L'aube), Shu'un filistiniyya (شؤون فلسطينية - Affaires palestiniennes) et Al-Karmel (الكرمل) . Il est reconnu internationalement pour sa poésie qui se concentre sur sa nostalgie de la patrie perdue. Ses œuvres lui ont valu de multiples récompenses et il a été publié dans au moins vingt-deux langues.

Dans les années 1960, Darwich a rejoint le Parti communiste d'Israël, le Rakah, mais il est plus connu pour son engagement au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Élu membre du comité exécutif de l'OLP en 1987, il quitte l'organisation en 1993 pour protester contre les accords d'Oslo. Après plus de trente ans de vie en exil, il peut rentrer sous conditions en Palestine, où il s'installe à Ramallah.

Mahmoud Darwich est né en 1941 à Al-Birwah, en Galilée, à 9 kilomètres à l'Est de Saint-Jean-d'Acre en Palestine sous mandat britannique, aujourd'hui Israël. Il est le deuxième enfant d'une famille musulmane sunnite de propriétaires terriens, avec quatre frères et trois sœurs. Après l'établissement d'Israël en 1948, le village fut rasé entièrement et la famille Darwich s'enfuit au Liban, où elle resta un an, avant de rentrer clandestinement en Palestine où elle découvre que leur village a été remplacé par un nouveau village juif. La famille s'installe alors à Dair Al-Assad.

Darwish a commencé ses études primaires à Dair Al-Assad, tout en vivant sous la menace constante d'être découvert et exilé par la police israélienne. Plus tard, il finit ses études secondaires à Kufur Yasif, deux kilomètres au Nord de Jdeideh. Enfin, il part pour Haïfa. Son premier recueil de poésie fut publié quand il avait dix-neuf ans (Asafir bila ajniha, Oiseaux sans ailes, 1960). En 1964, il sera reconnu internationalement comme une voix de la résistance palestinienne grâce à Awraq Al-zaytun (Feuilles d'olives). Ce recueil deviendra très populaire notamment avec le poème Carte d'Identité.

À la fin de ses études, Mahmoud Darwich commence à publier des poèmes et des articles dans des journaux et magazines comme Al-Itihad et Al-Jadid, pour lequel il deviendra plus tard rédacteur. En 1961, il rejoint secrètement le Parti communiste d'Israël, le Maki, et commence à travailler comme rédacteur adjoint de Al-fajr.

Il sera plusieurs fois arrêté et emprisonné pour ses écrits et activités politiques entre 1961 et 1967. Pendant cette période, Darwich rêve de révolution et chante la patrie, la défense de l'identité niée des siens et la solidarité internationaliste. Le poème Identité (Inscris : Je suis arabe), le plus célèbre de son recueil Rameaux d'olivier publié en 1964, dépassent rapidement les frontières palestiniennes pour devenir un hymne chanté dans tout le monde arabe.

En 1970, assigné à résidence à Haïfa à la suite de la publication d'articles politiques jugés trop virulents par la justice en Israël, il demande un visa d'étudiant pour quitter le pays. Il se rend à Moscou. Il y étudie l'économie politique. Il disparaît en 1971. On le retrouve quelques temps plus tard au Caire, où il travaille pour le quotidien Al-Ahram. Puis il part s'installer à Beyrouth, en 1973, il dirige le mensuel Shu'un Filistiniyya (Les affaires palestiniennes) et travaille comme rédacteur en chef au Centre de Recherche Palestinien de l'OLP et rejoint l'organisation. En 1981, il crée et devient rédacteur en chef du journal littéraire Al-Karmel.

Pendant l'été 1982, Beyrouth est l'objet de bombardements du 13 juin au 12 août, l'armée israélienne cherchant à faire fuir l'OLP de la ville. Darwich relatera la résistance palestinienne au siège israélien dans Qasidat Bayrut (1982) et Madih al-xill al'ali (1983). Le poète repart en exil, au Caire, à Tunis puis à Paris. En 1987, il est élu au comité exécutif de l'OLP.

Un an plus tard, en 1988, un de ses poèmes, En traversant les mots passants, est discuté à la Knesset ; il est accusé de souhaiter voir partir les Juifs d'Israël. Mahmoud Darwich s'en défendra en expliquant qu'il voulait dire qu'ils devaient partir de la Bande de Gaza et de Cisjordanie. Le poète écrivit :

« Alors quittez notre Terre
Nos rivages, notre mer
Notre blé, notre sel, notre blessure. »

Membre du comité exécutif de l'OLP, président de l'Union des écrivains palestiniens, Mahmoud Darwich est le fondateur et le directeur de l'une des principales revues littéraires arabes, Al-Karmel, qui a cessé de paraître en 1993. La même année, après les accords d'Oslo, Mahmoud Darwish quitte l'OLP, protestant contre l'attitude conciliante de l'Organisation dans les négociations et préférant une paix mais une paix juste.

Il continue à être rédacteur en chef du magazine Al-Karmel, et vit à Paris avant de retourner en Palestine en 1995, ayant reçu un visa pour voir sa mère. Il eut ainsi la permission de retourner en Palestine pour les funérailles de son ami l'écrivain Emile Habibi et de visiter la ville où il a vécu mais pour quelques jours seulement. Il reçoit une autorisation de séjour des autorités israéliennes et s'installe dans une ville de Cisjordanie, Ramallah, ville où Yasser Arafat avait ses quartiers. La ville deviendra un champ de bataille en 2002.

En mars 2000, Yossi Sarid, ministre israélien de l'Éducation, proposa que certains des poèmes de Mahmoud Darwish soient inclus dans les programmes scolaires israéliens. Mais le premier ministre Ehud Barak refusa, « Israël n'est pas prêt. »

Il est décédé le 9 août 2008 aux États-Unis dans un hôpital de Houston1, où il avait subi une intervention chirurgicale et se trouvait dans un état critique suite à des complications liées à l'opération. Il avait déjà subi deux opérations du cœur en 1984 et 1998.

Après avoir reçu les honneurs à Amman en Jordanie où sa dépouille était arrivée des États-Unis, il a eu des obsèques nationales à Ramallah en présence de nombreux dignitaires palestiniens dont le président de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Il est enterré dans un lopin de terre près du palais de la Culture de Ramallah.


L'œuvre de Darwich, essentiellement poétique, est une véritable défense et illustration d'une terre, d'un peuple, d'une culture en même temps qu'une entreprise hardie de genèse littéraire. Elle est hantée d'un bout à l'autre par une seule idée, une seule référence, un seul corps : la Palestine. La solitude et le désarroi de l'exil exprimés côtoient l'acceptation noble et courageuse où le désespoir profond devient générateur de création, porteur d'une charge poétique intense.

L'œuvre en prose de Darwich comprend un récit, Une mémoire pour l'oubli, qui restitue un jour de la vie d'un homme, le poète lui-même, pendant le siège de Beyrouth en 1982 par les troupes israéliennes.

Beaucoup des poèmes de Mahmoud Darwich ont été interprétés par des chanteurs tels que Marcel Khalifé, Magida El Roumi, et Ahmed Qa'abour.
En 1984, Marcel Khalifé compose et dirige Ahmad al Arabi, un opéra poétique écrit par Mahmoud Darwich. Les chanteurs sont Marcel Khalifé et Oumayma el-Khalil, les chœurs sont assurés par l'ensemble al-Mayadine.
Un disque a été enregistré au Pass Studios, à Beyrouth (Liban) et est disponible dans tous les magasins en France.
Le livret traduit de l’arabe (Palestine) par Etel Adnan peut-être consulté ici.
En 1996, 1999 et 2003, le célèbre musicien Marcel Khalifé a été trainé en justice pour blasphème et insulte aux valeurs religieuses, à cause d'une chanson intitulée Je suis Joseph, oh père, qui a été écrit par Darwish et citait un verset du Coran. Dans ce poème, Darwich partageait la peine de Joseph, rejeté voir haï par ses frères car trop honnête et bon. "Oh mon père, Je suis Joseph, et mes frères ni ne m'aiment ni ne me veulent parmi les leurs." Mais certains chefs religieux prennent sa défense comme Youssef al Qaradawi ce qui calma les tensions.
Le Trio Joubran ont accompagné à plusieurs reprises au son du Oud des récitals de Mahmoud Darwish, dont le tout dernier à Arles en juillet 2008. En 2002, la chanteuse comédienne Dominique Devals et la Mini Compagnie Laccarrière ont mis en musique "Onze astres sur l'épilogue andalou" (suite de onze poèmes évoquant le départ des Arabes de l'Andalousie), traduits en français par Elias Sanbar aux éditions Actes Sud. La musique est signée par Philippe Laccarrière, contrebassiste de Jazz, et l'œuvre a été enregistrée en 2006 sur CD. Les mêmes ont également mis en musique, cette fois pour un big band de Jazz "le dernier discours de l'homme rouge", poème en hommage aux Indiens d'Amérique, interprété pour la première fois en présence de Mahmoud Darwich en novembre 2006 à l'Unesco.




*

RITA (poème de Mahmoud Darwich chanté et mis en musique par Marcel Khalifa)


Marcel Khalife : rita et le fusil

Entre Rita et mes yeux : un fusil
Et celui qui connaît Rita se prosterne
Adresse une prière
A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel

Moi, j’ai embrassé Rita
Quand elle était petite
Je me rappelle comment elle se colla contre moi
Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras
Je me rappelle Rita
Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang
Ah Rita
Entre nous, mille oiseaux mille images
D’innombrables rendez-vous
Criblés de balles.

Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête
Dans mon sang le corps de Rita était célébration de noces
Deux ans durant, elle a dormi sur mon bras
Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice
Et nous brulâmes
Dans le vin des lèvres
Et ressuscitâmes

Ah Rita
Qu’est-ce qui a pu éloigner mes yeux des tiens
Hormis le sommeil
Et les nuages de miel
Avant que ce fusil ne s’interpose entre nous

Il était une fois
Ô silence du crépuscule
Au matin, ma lune a émigré, loin
Dans les yeux couleur de miel
La ville
A balayé tous les aèdes, et Rita
Entre Rita et mes yeux, un fusil.





>> Mahmoud Darwich - textes

vendredi 10 juin 2011

Granmoun Lélé

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GranMoun lélé - ah soléyé par dino974

Granmoun Lélé fait du maloya comme on respire. C’est dans sa case de Bras-Fusil qu’il a composé l’essentiel de son répertoire, plus de deux cents chansons qui parlent de sa quotidienneté, de ses rêves, s'inspirant pour ses rythmes de son environnement naturel comme I’océan «le petit désordre de la mer, pour moi, la forme comme une musique». Le maloya du clan Lélé est comme un zambrokal réussi, ce plat créole à base de riz, viande fumée, grains secs ou verts, épices, dans lequel chaque élément s'imprègne des autres tout en gardant une certaine particularité. On le sent dans le second disque, qui, après l'album Namouniman déjà plein de saveurs, met la barre encore plus haut.
C’est que depuis le début des années quatre-vingt, le maloya sous ses différentes acceptions a connu un large écho à la Réunion comme à l'extérieur. Granmoun Lélé, arrivé tardivement dans l’arène internationale, aurait pu s’en tenir au statut d'ancien, mais c’est lui qui s’est révélé un des meilleurs dynamisateurs du patrimoine. En entendant ses arrangements vocaux, les colorisations inédites qu’il apporte au travail percussif de son big band par l'adjonction de nouveaux instruments (djembé, apungalachi, sati, cloches…), on touche une plénitude sonore.

Julien Philéas est né un 28 février 1930 à Saint-Benoît, côte est de l'île de la Réunion. Parce qu'à l'heure du goûter sa mère criait toujours "Julien, lé lait!", il acquiert le surnom de "Lélé". Père malabar-cafre, mère bata-malgache, quatre frères et quatre soeurs, il suit le chemin paternel chez "létablisseman". Beaufonds, terres et fabrique de sucre, y devient journalier, puis ouvrier-ajusteur, "patron cuiseur", jusqu'à la retraite "à 56 ans, 3 mois et des médailles". Le milieu rude des travailleurs de la canne est marqué par la paie du samedi. Celle qui permet d'acheter du rhum et de faire la fête rythmée jusqu'à l'aube par les instruments du cru. C'est dans ces "kabarés" (1), interdit à "la marmaille", qu'après l'adolescence il commence à chanter, inspiré par son oncle, Arsène Madia. Virus de la musique oblige, il va même jusqu'à acheter un accordéon, "de Lyon, pesant 19 kilos". Et avec son ami Tonga Lafa, il rencontre au fil des assemblées une évidente notoriété. C'est que son maloya "foutan", ses compositions, le propulsent bien au delà des frontières de Saint-Benoît (2). Au point que, le 23 décembre 1977, il déclare à la préfecture sa propre troupe, sorte de conservatoire familial, dans laquelle vont évoluer à tour de rôle ses treize enfants (huit en font toujours partie). Et qu'il enregistre quatre titres sur un 45 tours, vinyle qui sera un des premiers du genre avec celui du Saint-Pierrois Firmin Viry.
Pour situer le maloya dans la culture réunionnaise il faut rappeler que l'île, (2512 km2, près de 600.000 habitants aujourd'hui) inhabitée il y a 350 ans est devenue au fil des siècles un cocktail de métissages, une étonnante imbrication de groupes ethniques disparates qui s'interpénètrent culturellement. Aujourd'hui ils sont 180.000 métisses descendants d'Africains, Européens, Indiens, travailleurs agricoles ou petits propriétaires terriens; 120.000 Malabars ou Tamouls ("Malbars" en créole) issus de l'Inde du Sud, ouvriers dans les usines sucrières ou fonctionnaires; 100.000 Blancs nés au pays, repérables en deux groupes, les Gros Blancs ("Gro-Blan") formant les familles possédantes et les Petits Blancs ("Ti-Blan") vivant chichement de l'agriculture ou employés; 40.000 Cafres ("Kaf") descendants des esclaves venus de Madagascar puis de la côte africaine; 15.000 Chinois de Canton ayant le quasi monopole du commerce d'alimentation; 10.000 Indiens musulmans du Gujerat ("Zarab") dominant le commerce du textile et de l'électro-ménager; sans parler des 10.000 Français métropolitains (les fameux "Zorey"). A part les "Zarab" de stricte obédience islamique, la population réunionnaise est catholique. Or, si la plupart des "Malbars" sont pratiquants, ils continuent néanmoins d'observer des rituels tamouls. La religion tamoule, variante de l'hindouisme, persistant sous forme de marches sur le feu, sacrifices d'animaux, abstinences, magies. Les "Cafres" pour leur part observent des rituels d'origine malgache ou africaine appelés services ("sevis malgas" ou "sevis kabars").
Il y a donc une interculture: perte de repères, importants carrefours de filiation et notion du métissage qui se plie à une foule d'interprétations. Il faut aussi se souvenir que la valorisation initiale de l'ex-île Bourbon fut obtenue, du milieu du 17ème siècle jusqu'à l'abolition de la traite en 1830, grâce à la main-d'œuvre esclavagiste. Et ce fait historique, fut-il occulté, est central dans l'inconscient collectif réunionnais.
La société de plantation a engendré une réalité sociale duelle que l'on retrouve dans la musique. Ainsi le séga actuel est-il un hybride de séga primitif et de quadrille des colons blancs du 18ème siècle. D'autres musiques ont accompagné des flux migratoires contemporains, quand le maloya, lui, s'enracinait de façon oedipienne dans la culture des esclaves et des nègres "marrons", ces noirs révoltés qui s'échappaient et se réfugiaient vers les hauteurs volcaniques de l'île (3). Une fracture qui permet d'expliquer la reconnaissance tardive d'un maloya qui fut longtemps cantonné dans des quartiers populaires établis justement sur les aires où se développa la culture de plantation.
Vers 1848, date de l'abolition de l'esclavage, 58.000 esclaves, soit 60% de la population de l'île sont libérés. Mais leur réalité, leur culture sera niée. Aussi bien par les descendants des "nouveaux libres" qui préfèrent évacuer cette part maudite d'histoire dans un souci post-abolitionniste que par les "élites" locales qui jugent obscurantiste toute référence à ce passé douloureux. La départementalisation française de 1946 va conforter le phénomène. Entraînant une vision jacobine de la culture marquée au sceau de l'assimilation dont l'effet sera de marginaliser davantage la culture originelle. Pour preuve, les avatars de la langue créole. Durant longtemps celle-ci est présentée, au pis comme une originalité doudouiste, au mieux comme un patois rural. Et ce n'est que par étapes et sous l'impulsion politique d'intellectuels qu'elle obtiendra statut et droit de cité. L'article fondateur de la revendication linguistique dans la revue d'étudiants créoles, "Le Rideau de Cannes", date de 1961. La première graphie phonologique et le premier poème consciemment kréol de Jean-Claude Legros sont publiés l'année suivante. La parution de 1969 à 1976 du "Lexique illustré de la langue créole" dans le quotidien "Témoignages" à l'instigation de Boris Gamaleya constitue une avancée décisive tout comme les travaux ultérieurs de "Lortograf 77" (graphie phonologique commune), de la revue "Sobatkoz", de Ginette Ramassamy (syntaxe du créole), ou les parutions de dictionnaires Kréol-Français. S'il est important de rappeler ce difficile cheminement de la revendication linguistique - un inspecteur du primaire ne déclarait-il pas encore en 1970 : "il faut fusiller le créole" - c'est que le maloya, danse des Câfres qu'il était, a toujours été par essence au coeur de cette quête identitaire linguistique, mais aussi économique et sociale (4). Point de hasard donc si, de 1956 à 1962, le maloya est prohibé par le gouvernorat de Perreau-Pradier, ce qui lui impose une quasi clandestinité justement chez les coupeurs de canne ou les laissés-pour-compte des "hauts". Si bien que, bien avant que la bataille pour la graphie créole ne prenne corps, "la musique des ancêtres" se révélait être le véhicule privilégié du non-dit anthropologique réunionnais.
L'histoire politique de l'île le vérifiera. Le P.C.R (Parti Communiste Réunionnais) au mitan des années soixante-dix popularise le maloya dans les fêtes de son journal "Témoignages" conformément à sa bataille en faveur de l'autonomie. Les premiers disques de Firmin Viry et de Granmoun Lélé sont d'ailleurs produits à son instigation. Une période durant laquelle les musiciens de maloya sont transportés dans des camions bâchés vers les lieux de concerts comme des personnalités sulfureuses!
Mais la force du maloya dépasse largement les luttes politiques en faveur d'un statut renouvelé de l'île. Comme le dit Julien Philéas: "d'un côté kèr gros, de l'autre kèr joyeux; après il faut mettre sur la balance. Quand nous pense zancêtres comment lété, nou lé kér gros; mais nou kèr lé joyeux quand nou pense zot la gagne la liberté". L'esprit du maloya est bien dans cet entre deux de nostalgie et d'espoir, de blues et de colère, d'humanité volée et de bonheur possible. Ses mots, sa poétique, ses mélodies en mineur, ne renvoient pas seulement au temps des esclaves, ils sont les pièces d'un puzzle identitaire, d'un miroir brisé (5). Ses attributs sont des voix lancinantes que soutiennent des instruments ruraux : le "rouleur" (cheval-tambour de basse que l’on chevauche, né d’un tonneau raccourci fermé d’une peau de chèvre que l'on tend au feu); le "bobre" (arc musical arrimé à une callebasse séchée); le "caïambre", boîte en tiges de fleur de canne contenant des graines que l’on agite à plat, ce mouvement donnant naissance au rythme 6-8, signature rythmique du maloya. Et encore, le "fer-blanc" (boîte de lait cabossée), les "tablas" et le "ravan" indiens, le triangle... Le maloya, enfin, est dans sa configuration originelle d'ordre rituel, ce qui permet de distinguer un maloya pilé (c'est-à-dire accessible à tous, fait pour la danse, festif, véhiculant des thèmes de la vie quotidienne) d'un maloya roulé, lié à des pratiques rituelles d'influence malgache ou tamoules, qui ne se pratique ni en scène ni en spectacles. Ce maloya intime lié aux périodes de carême - lorsque les familles invitent parents et amis à partager préparatifs, prières, offrandes aux Dieux, recueillements - est la trame de fêtes propices à l'échange de légendes, contes, sirandanes (devinettes traditionnelles), durant lesquelles parfois certains "entrent en communication avec l'autre monde" par le phénomène de la transe. Comprendre que ce maloya-là se joue à des jours et des heures précis, selon des codes plutôt secrets.
Granmoun Lélé, par ses origines, fut familiarisé très tôt aux rites malgaches et tamouls. Ainsi, le musicien est-il aussi connu dans l'île comme sculpteur-rénovateur de ces "bondiés" que les pratiquants installent dans leurs petits temples, ou de ces masques dont on se pare lors de bals malbars. Un travail très particulier qui est soumis à des règles strictes : depuis le choix des bois (uniquement du lilas, du margosier ou du camphre), jusqu'à l'abstinence de viande et de relations sexuelles pendant le travail, en passant par un carême de huit à dix jours avant la sculpture.
Granmoun Lélé fait donc du maloya comme on respire. Et c'est dans sa case de Bras-Fusil qu'il a composé l'essentiel de son répertoire, plus de deux cents chansons qui parlent de sa quotidienneté, de ses rêves, s'inspirant pour ses rythmes de son environnement naturel comme l'Océan ("le petit désordre de la mer, pour moi, la forme comme une musique"). Pour ces morceaux, il lui faut "une bonne affaire" (idée), voir "si ça rentre ou pas" et sur une construction implicite chacun des intervenants de la famille mettra "son grain de sel". Son fils Marcel Willy, -distributeur de rythmes qui joua avec Doudou N'Diaye Rose - ayant un rôle décisif dans le dialogue tradition/modernité, tant les oreilles du papa sont ouvertes à la novation, au monde de la jeunesse. Le maloya du clan Lélé est donc comme un zambrokal réussi, ce plat créole à base de riz, viande fumée, grains secs ou verts, épices, dans lequel chaque élément s'imprègne des autres tout en gardant une certaine particularité. On le sent dans ce disque qui après l'album "Namouniman" déjà plein de saveurs met la barre encore plus haut. C'est que depuis le début des années quatre-vingt, le maloya sous différentes acceptions (pur, matiné d'influences séga, jazz, reggae, rock... via les Rwa Kaff, Granmoun Baba, Firmin Viry, Danyel Waro, Ti Fock, Zizkakan, Baster) a connu un large écho à la Réunion comme à l'extérieur. L'île s'est posée la question d'une musique qui pouvait prétendre à l'universalité pour autant qu'elle était à même de se renouveler sans se renier. Granmoun Lélé, arrivé tardivement dans l'arène internationale, aurait pu s'en tenir au statut d'ancien, mais c'est lui qui s'est révélé un des meilleurs dynamisateurs du patrimoine. En entendant ses arrangements vocaux, les colorisations inédites qu'il apporte au travail percussif de son big band par l'adjonction de nouveaux instruments (djembé, apungalachi, sati, cloches... ), on touche une plénitude sonore. Le saut qualitatif du travail du clan Lélé -thèmes, syntaxe, pulsions rythmiques-, devant à l'évidence fournir des pistes de travail à bien des musiciens, jazzmen en particulier.

Frank TENAILLE

Notes :
(1) Du mot malgache kabary: assemblée, qui a donné le néologisme kabar: concert convivial, sorte de fetz noz réunionnais.
(2) Le terme maloya serait, assurent certains, d'origine malgache ("maloy aho"). Le vocable maloy voulant dire parler, dégoiser, dire ce que l'on a à dire. Le séga primitif avait beaucoup à voir avec le maloya avant que les affranchis de 1948 ne le combinent à la musique européenne. Le nom "tchega" se rapporte d'ailleurs au Mozambique à une danse très proche du fandango espagnol. Le swahili "sega" désigne l'acte de retrousser ses habits, geste typique des danseuses que l'on retrouve à l'île Maurice dans le sega ravane, à Rodrigues avec le sega tambour, aux Seychelles avec le moutia.
(3) Ultérieurement, le maloya fut adopté par la majorité des pauvres déracinés (malgaches, africains, engagés Indiens et à un degré moindre petits blancs pauvres). De même, il est patent de constater que les Malbars ont joué un rôle prépondérant dans la conservation du maloya. Les engagés indiens du XIXème siècle, l'adoptant alors que ceux qui en étaient les dépositaires, par désir d'intégration sociale, se départissaient d'une expression jugée liée à l'époque de l'esclavage.
(4) Symptomatique de cette situation, les travaux d'un groupe interdisciplinaire (sociologue, médecin, linguiste, anthropologue, etc) qui en 1989 publia un texte, "Le cache-cache d'une culture minorée et les lambeaux de l'identité perdue", qui mettait l'accent sur "un dysfonctionnement symbolique touchant les pratiques culturelles à la Réunion" allié à un questionnement identitaire non résolu.
(5) La poésie du maloya fut longtemps incomprise et jugée infantile, "décousue", par les tenants cartésianistes du francotropisme. Les poètes contemporains de l'île, Jean Albany, Boris Gamaleya, Axel Gauvin notamment ont depuis fait un sort à ces points de vue. L'univers poétique très "Facteur Cheval" de Granmoun Lélé possède à ce titre toutes les caractéristiques classiques du verbe maloya, avec ses métaphores, ses allusions, ses fantasmagories, son humour, ses emprunts linguistiques (au malgache, au swahili, à des vocables imaginaires) au point que même la famille ne comprend pas tous les mots de Lélé, parfois non transcriptibles en créole usuel.

source: http://www.label-bleu.com/artist.php?artist_id=1


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mercredi 29 septembre 2010

Thierry LE LURON

Parodie de Georges Marchais





Thierry Le Luron, né le 2 avril 1952 à Paris et mort le 13 novembre 1986 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), est un imitateur, chanteur, humoriste et animateur de radio français.