samedi 23 juillet 2011

Femme nue, Femme noire (Léopold Sédar Senghor)



Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre Promise, du haut d’un haut col calciné
et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle


Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases de vin noir,
Bouche qui fait lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent
d’est

Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée


Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de
L’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délice des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains
de tes yeux

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendre pour
nourrir les racines les racines de la vie



Extrait de "Oeuvres Poétiques"
Le Seuil





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