jeudi 6 octobre 2016

Loi contre l'avortement: les polonaises manifestent ! LA MOBILISATION PAIE !

En Pologne, l’interdiction totale de l’avortement est rejetée en commission parlementaire

LE MONDE | | Par


 Deux jours après d’importantes manifestations, les conservateurs au pouvoir ont voté pour le rejet de la proposition de loi interdisant presque complètement l’IVG.
Dans une atmosphère extrêmement tendue, la commission de la justice et des droits de l’homme du Sejm (la chambre basse du Parlement polonais) a rejeté, mercredi 5 octobre au soir, la proposition de loi visant à interdire totalement l’avortement. La motion de rejet a été déposée par le député de la majorité ultraconservatrice du PiS (Droit et justice) Witold Czarnecki. Au sein de la commission, qui compte 31 membres, 15 députés se sont prononcés pour le rejet du projet, un s’est abstenu. L’ambiance autour du vote a frisé le chaos, et l’opposition a dénoncé des atteintes aux procédures parlementaires. Des organisations non gouvernementales se sont vu refuser l’accès au Parlement.
Le texte devait revenir jeudi en session plénière de la chambre. Cette dernière devait choisir de le rejeter définitivement ou de le renvoyer en commission. Le groupe parlementaire PiS devait se réunir jeudi matin pour une consultation sur le futur vote. Pour le parti au pouvoir le sujet est explosif et source de division : si seule une minorité de députés PiS semble en faveur de l’interdiction totale, ces élus sont influents et habitués aux sorties controversées dans les médias. Auparavant, la porte-parole du groupe, Beata Mazurek, avait soutenu que les votes sur ce sujet se feront sans discipline partisane, « en fonction de la conscience de chaque député ».
Conscient de l’extrême sensibilité du sujet, qui avait amplement mobilisé les femmes lundi à travers le pays, le chef du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, a décidé de mettre le holà à une proposition de loi dont son parti n’était pas l’initiateur, mais qui avait recueilli près de 500 000 signatures citoyennes. Selon un sondage Millward Brown publié mercredi, 67 % des Polonais ont apporté leur soutien aux manifestations de lundi. C’est la première fois depuis son arrivée au pouvoir, en octobre 2015, que le parti conservateur semble reculer sous la pression de la rue, alors qu’il avait soutenu le renvoi du texte en commission parlementaire.

« Une leçon d’humilité »

« Ce n’est pas notre projet, et nous ne sommes pas d’accord pour la pénalisation [en justice] des femmes, a expliqué à l’issue du vote le député PiS Ryszard Terlecki, un fidèle de Jaroslaw Kaczynski. Nous avions des signaux clairs de la part de l’Eglise qu’elle ne soutient pas non plus ce point de vue radical. Nous préparons des solutions qui seront acceptables par les deux parties. » Le projet de loi prévoyait notamment des peines jusqu’à cinq ans de prison pour les femmes, les médecins, ou toute personne accompagnant une interruption volontaire de grossesse. « Aujourd’hui, le PiS a mis sa conscience dans sa poche, (…) parce qu’il a eu peur des femmes qui sont sorties dans la rue, a commenté l’ancienne chef du gouvernement centriste, Ewa Kopacz. C’est la liberté et le droit de faire ses propres choix qui ont gagné. »
Avant même le vote, le ministre de la science et de l'enseignement supérieur, Jaroslaw Gowin, avait donné des signes sur la position du parti. « Je voudrais  rassurer ceux qui craignent que l’avortement soit totalement interdit en Pologne. A coup sûr, le projet d’interdiction totale ne passera pas. A coup sûr, l’avortement ne sera pas interdit en cas de viol ou quand la vie ou la santé de la femme sont menacées », avait-il déclaré. La manifestation de lundi a « fait réfléchir » la majorité et lui a donné « une leçon d’humilité », a-t-il ajouté. Reste à savoir si la majorité conservatrice ne voudra pas donner certains gages aux organisations « pro-vie » et à l’Eglise, en interdisant par exemple l’avortement en cas de handicap constaté chez le fœtus. Pour le parti, ce serait un jeu risqué, au risque de ne satisfaire aucun des deux camps.

Vers des restrictions de la PMA ?

Ces tensions surviennent à un moment où le Parlement polonais se penche sur un autre projet de loi controversé, visant à restreindre considérablement la législation qui encadre la procréation médicament assistée. En juillet, le PiS avait déjà supprimé son financement public. Mais un projet de loi déposé en septembre à l’initiative de plusieurs élus conservateurs veut aller plus loin. Le texte propose d’autoriser la fécondation d’un ovule seulement – contre six actuellement, voire plus pour les femmes ayant passé l’âge de 35 ans. Le projet de loi interdit également toute insémination au-delà de soixante-douze heures après la fécondation, ce qui rend en pratique impossible la congélation des embryons – une pratique jugée « immorale » par les auteurs du projet.
Selon les experts, s’il venait à rentrer en vigueur, ce texte restreindrait considérablement l’efficacité de la fécondation in vitro. Pour le docteur Waldemar Kuczynski, qui avait contribué à la première fécondation in vitro en Pologne en 1987,« ce sont des dispositions qui détruiraient vingt-cinq ans de développement de la médecine de reproduction en Pologne. En fécondant un ovule seulement, l’efficacité du traitement tomberait à 4 % ou 6 %. »
Si ce projet sera soutenu par une grande partie du groupe populiste Kukiz’15, la troisième force politique du Parlement, à droite, beaucoup pensent que le PiS voudra éviter d’ouvrir un autre front sensible, en noyant le projet dans les travaux en commission. Aucune figure parlementaire du PiS ne fait en tout cas partie des initiateurs du texte.

source: http://www.lemonde.fr/international/article/2016/10/05/en-pologne-l-interdiction-totale-de-l-avortement-rejetee-en-commission-parlementaire_5008850_3210.html

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